CHALEURS FUNESTES - 11/28

Publié le par catherine GENIN-PIETRI

-      Je peux entrer ? demanda Virginie en frappant à la porte de la chambre d’Inès.

-      Ah ! tu as mis « Hello Kitty » au magasin des souvenirs ? demanda la maîtresse de maison en riant.

 

Virginie tira sur sa mini jupe en jean, arrangea sa frange trop blonde et s’affala sur le lit de son amie, comme elle avait coutume de le faire quand elle avait décidé d’entamer une discussion.

Inès finissait de se préparer et avait noué un paréo sur son maillot Jeff de Bruges.

 

-      Je le reconnais, il vient de Nouméa n’est-ce pas ?

-      Oui et il est d’une solidité à toute épreuve ! Dix ans que je le traîne. Les autres sont partis se baigner ?

-      Je crois répondit Virginie. Excuse-moi pour tout à l’heure, je suis un peu à cran en ce moment avec l’histoire de Patrick et la soi-disant perfection  de Sophie m’est insupportable !

-      On en a parlé hier ma belle, il n’y a pas de perfection qui tienne, tu le sais bien … alors lâche prise !

-      Mais enfin, de quel droit se permet-elle de mépriser ton boulot ? Quant à moi, femme au foyer, tu imagines l’estime qu’elle doit me porter !

-      On est amies ou pas ?     lança Inès en finissant de se coiffer et en faisant admirer à son amie son triomphe capillaire. Regarde, dit-elle, pas mal avec le gel, non ?

-      Ma pauvre Inès, tu sembles traverser la vie sans en voir les embûches et les mesquineries qui la jalonnent.

-      Et bien tant mieux pour moi !

-      Il n’empêche qu’il y a des choses curieuses dit Virginie en se relevant et en prenant une longue inspiration pour faire naître le suspens.

-      Comme ?

-      Comme ce jour d’avril où ayant perdu le nouveau numéro de portable de Sophie, je l’ai appelée à sa boîte pour déjeuner avec elle.

-      Et alors ? Où est le scoop ? s’amusa Inès.

-      On m’a répondu qu’elle ne faisait plus partie de la société chuchota Virginie en appuyant sur chaque mot.

-      Tu plaisantes ? Tu es tombée sur une gourde qui n’y connaissait rien !

-      Si la secrétaire qui travaillait pour elle depuis des années est une gourde qui n’y connaît rien, alors oui, je plaisante…

-      Mais enfin et ses voyages ?

-      Je ne sais pas moi, c’est pour cela que je te dis qu’il y a des choses curieuses. Elle a également décommandé le travail qu’elle avait passé à Patrick pour faire recouvrir les bergères de son salon. Non, je te dis, il y a aussi un problème économique murmura Virginie qui entretenait le mystère.

-      C’est insensé, elle en aurait parlé. Vous avez de toutes les façons toujours entretenu des relations teintées d’ambiguïté toutes les deux.

-      Décidément, Inès, il n’y a pas pire aveugle que celui qui ne veut rien voir !

-      Ah non ! Là tu es sur mon terrain. Ce sont mes lieux communs, mon Café du Commerce à moi et pspspsps lui glissa t elle à l’oreille.

-      Qu’est-ce que tu dis ? demanda Virginie.

-      Qu’il n’y a pas de pire sourde que celle qui ne veut rien entendre ! dit elle en éclatant de rire.

 

Bras dessus, bras dessous, les deux amies rejoignaient la piscine en passant par la terrasse périgourdine et en bravant les abeilles laborieuses.

 

-      Il faut bien qu’il y en aient qui s’activent décréta Inès. Regarde comme ils sont heureux dans l’eau, je reviens, je vais chercher mon appareil.

 

Tout comme son portable et ses cigarettes, l’appareil photo d’Inès faisait partie des objets qu’elle ne savait jamais où elle les avait laissés. Après l’avoir cherché dans sa chambre et dans la cuisine, elle se dirigea vers le salon et fut surprise d’y trouver Patrick qui entretenait une discussion téléphonique avec celle que Virginie appelait sa Pouf !

Il ne pouvait pas y avoir d’erreur, les mots employés étaient suffisamment éloquents pour dissiper le moindre doute.

« Salaud », se mit à penser Inès tandis que Patrick qui ne l’avait pas vue s’approcher et bien installé dans le cantou continuait son oraison amoureuse. Il suppliait la Pouf de l’attendre, l’implorait, la sollicitait, lui jurait son adoration.

 

A cet instant il s’aperçut de la présence d’Inès et la jeune femme le trouva pathétique, pitoyable dans le rôle du sale gosse pris en faute. Il chercha les mots pour s’exonérer de sa faiblesse mais ils ne vinrent pas et Inès tourna les talons après avoir récupéré l’appareil qui allait immortaliser des moments dits de bonheur.

 

-      Viens Marraine cria Lulu en voyant Inès s’approcher de la piscine, regarde, je peux nager sous l’eau les yeux ouverts !

-      Reste à la surface pour le moment, je te prends en photo. Allez vous autres, approchez, smile …

-      Tu n’as pas vu Patrick ? demanda Virginie en pressant sa fausse natte.

-      Si, il arrive… allez, encore une photo …Patrick, approche toi de ta famille !

 

L’homme dont le forfait venait d’être découvert avait perdu son air de martyre et de pêcheur. Inès y voyait une forme d’arrogance qui lui déplut.

Elle se demanda comment le couple allait surmonter cette crise et si Patrick avait véritablement l’intention de quitter Virginie.

Elle photographia Sophie, Vénus sortie des flots, admira sa silhouette parfaite et s’interrogea sur son éventuel double jeu, sur le mensonge qu’elle semblait imposer à son entourage.

 

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